Oh, tu te souviens où on est? Corse Gr20, douleurs, doutes, difficultés, amis?
Oui? Non? Flûte?
Moi je m’en souviens plus que jamais.
On attaque la partie la plus dure de la randonnée.
Quand je regarde la montée d’en bas, j’ai l’impression que ça monte jusqu’au soleil.
J’ai une faim venu d’ailleurs, une faim de loup, mais de loup du Territoire des loups avec cet exceptionnel Liam Neeson. The grey pour les bilingues puristes qui ne supportent pas les titres en français. Je kiffe Liam Neeson. Il aurait fait le GR20 avec ses pouces en me portant sur ses épaules, tranquille.
Quoiqu’il en soit j’ai la dalle et rien dans le ventre. Il me reste un peu d’énergie dans les jambes et également dans les bras.
Avant chaque aventure, je me motive comme si je me faisais une injection de titane direct dans le mental, comme ça j’ai un mental d’acier.
« De Titane? »
Oui, c’était une image. Je suis motivé et ça ne changera pas. Tu m’entends?! Je vais prendre cette côte et je vais vaincre cette pente! TU ÉCOUTES?!
« Calme toi, stp. Grimpe. »
On démarre.
Les premiers mètres me font regretter d’être à jeun.
Les premières dizaines de mètres m’attaquent le corps comme si des milliers de petits hommes de 6 centimètres me mettaient des béquilles à chaque endroit.
La première centaine de mètres me suce de mes forces comme une grosse…
« Oui, oui, c’est bon on a compris. »
On croise des types qui descendent, à moitié vivants.
On dépasse des personnes qui abandonnent, qui souffrent.
On voit des gens qui nous disent que le plus dur reste a venir.
Cette montée c’est un mélange d’escalade, de murs glissants, de vastes étendues méga penchées faites d’un revêtement étrange, très minéral. J’ai l’impression d’escalader une dune de sable gris, avec des grains de sable de la taille d’un gros marron.
Bordel, c’est difficile. J’ai de moins en moins de forces, presque comme quand tu te réveilles et que t’essayes de serrer les poings, allongé.
Je vois le Moine et le Kid nous distancer. Leur pause-déjeuner leur a été bénéfique. Ou alors sont-ils très bons? Un peu des deux je pense. J’en suis même sûr.
Mon Ami va mieux, j’en suis content. C’est de la montée, il n’a pas de problème avec ça. Il a de l’énergie, ça va le faire pour lui. J’espère.
Le soleil s’en mêle, j’ai l’impression qu’on s’en rapproche tellement il fait chaud.
J’ai faim.
Et dire qu’on a eu des températures négatives sur le parcours…Ça en est presque incroyable. J’ai tremblé de froid et là je transpire comme une pute à l’église, pour reprendre l’expression de Sully dans Uncharted.
Au loin, j’observe qu’il y a toujours plus de distance entre nous le Kid et le Moine. Ils ont mis leur jambes de compèt’ aujourd’hui.
L’Ami m’impressionne, après sa fin de GR20 avortée, il a trouvé des ressources quelque part, pas dans ses genoux mais quelque part. Il est là devant moi.
Avec mon corps de lâche du jour, je le suis en ne regardant que son boule, de loin, de près. Oh! Pas parce que j’aime spécialement son cul, je le regarde parce j’ai besoin de me focaliser sur un point fixe pour ne pas regarder cette montée qui me répugne. Je pourrai vomir tellement à cet instant je ne l’aime pas.
« T’as rien dans le ventre, ne vomis pas. Concentre toi! Continue de regarder les fesses de ton pote, dans la montagne. »
Tout ça me fait penser à Brokeback Mountain, va savoir pourquoi.
On ne voit plus le Moine et le Kid. On ne voit plus grand monde d’ailleurs, si ce n’est le gigantesque serpent sinueux qui fait office de chemin jusqu’en haut, tracé dans la roche, les graviers et la poussière Corse.
Je donne beaucoup à la montagne en ce moment, elle ne me donne rien en retour si ce n’est qu’elle me donne faim.
Mon corps me réclame de l’énergie, comme ta voiture t’indique qu’elle est dans la réserve.
Je vais tomber en panne? Non, mon pote, n’oublie pas l’injection de titane.
Mes jambes me semblent être un peu plus solide que 2 gros chewing-gums Hollywood, un peu mâchés.
Je vais utiliser mes bras.
« Tu vas monter en poirier? Chaud… »
Mais non, je vais pousser sur mes bâtons, tu les avais oublié ces 2 polissons!
Je force tellement sur mes bras que j’ai l’impression d’être dans une salle de muscu, pendant des heures, au taquet! Mais je vais arriver en haut avec le buste de The Rock et les jambes de Michel Blanc.
Tant pis, du moment que j’arrive en haut.
Merde, je n’ai rien à manger quand j’y arriverai! Rien. Des nouilles déshydratées? Donc rien.
Allez! Me dis-je. Je vois le bout, le sommet. L’Ami y est aussi.
Comme un vieux jouet sans batterie, je suis lent et mou.
Je suis certain qu’à ce moment, j’ai une force négative.
« C’est-à-dire? »
Bah, c’est-à-dire que j’ai tellement peu de force que si je te frappais au visage, par exemple, ça te ferait du bien. Tu piges? L’inverse de la force quoi! Mais non, pas celle de Star Wars. La force! Celle qui permet de faire mal quand tu frappes ou en l’occurrence celle qui te ferait du bien si je te frappais. Capito?
On est en haut de cette douleur de pente. Ouloulou! L’effort!
Je me retourne. Je me prends un fulguropoing de Goldorak dans les yeux. Quel est le con qui ma jeté ça dans la gueule? Actarus?
La Nature.
C’est la nature qui m’a cogné.
J’espère que t’as compris que c’était grandiose, que la Corse était pleine de surprises et qu’elle m’offrait sa récompense.
Je suis cool, je te décris: C’est comme si un géant avait creusé, à la hache, dans la roche de la planète. En fait, les montagnes semblent presque s’écarter pour laisser place à une longue vallée, de vert vêtue, descendant jusqu’à l’infini de la vue humaine pour sans doute se perdre dans la forêt.
On a monté ça. Et bien , et bien.
Des hauteurs, j’ai envie de crier comme DiCaprio à l’avant du bateau avec son pote dans Titanic. Mais je suis pas Léo, ça serait ridicule.
Il y doit y avoir beaucoup d’écho. Je vais siffler. J’ai oublié que je n’avais plus de force. Je sors un pauvre son.
Dans le sens de notre marche, le paysage n’est pas crade non plus. C’est plus abrupte de ce côté-ci, la direction dans laquelle on va.
On dirait un gros cratère mais genre le trou d’un astéroïde à la Armageddon.
C’est beau et presqu’un peu flippant.
Il me semble qu’on a fait la moitié du chemin jusqu’au prochain refuge, si je ne m’abuse.
Ahhh, si je pouvais reprendre des forces. Mon Ami graille des fruits, presque serein.
Là, alors que je ne m’y attendais pas, ce gros généreux me donne la preuve que l’amitié existe réellement. Il me tend un quart de son orange. Je le prends et la mange.
Ouah! Ça agit sur moi comme un senzu ! Dragon Ball Z? Haricot magique? Non? Rien? Ne me dis pas que tu étais de ceux qui n’ont pas regardé ou lu ce chef-d’oeuvre???
Et bah, cette orange, c’est l’équivalent des épinards sur Popeye. Je deviens difforme et je fume une pipe? Non! J’ai une énergie soudaine qui traverse tout mon corps!
On ne va pas pouvoir me tenir très longtemps. Je suis presqu’en burn! Mes Asics font de la fumée. C’est faux.
Après avoir bu de tout notre saoul, par les yeux, la beauté du paysage, on repart.
Ça descend, mais ça remonte illico sur une petite distance. D’où on est on peut voir le beau Monte Cinto, plus haut sommet de Corse, 2706 mètres, en rends toi compte. Il y a un chemin qui part de là pour l’escalader.
Ouais, une autre fois, ça ne te dérange pas?
Ouah!!! Si tu voyais ce que je voyais! On est haut, très haut, en short sur la montagne.
La vue est soudainement gâchée par des gros nuages bien chargés en eau. Tu sais, ces nuages qui sont sur les montagnes, genre épais, glaciales. Ouais, bah ils arrivent directement sur nous et assez vite, menaçants, comme un T-rex.
Je regarde au sol. Je ne vois pas d’eau bouger à la cadence de vibrations provoquées par quelque chose de lourd dans une grosse emprunte de pas de dinosaure.
Je vois de la neige.
Je vois aussi que je suis en short, t-shirt et peut-être vas-tu me trouver timoré, mais j’ai pas envie de neige, surtout que je suis sur-motivé à descendre!
Je suis comme Jason Statham dans Crank.
C’était quoi l’orange de mon Ami?!
Je presse mon Ami comme on presserait cette dernière. Il faut se dépêcher, Winter is coming.
On entame de la descente, longue. Longue? Mais longue!
Après quelques pas, les genouillères de mon amis réapparaissent, on se fait un match de volley, tellement intense, mais trop génial!
Bah non ce n’est pas vrai. Ses genouillères sont naturelles, ses genoux enflent quoi.
Il lutte contre la douleur. Sa démarche est apeurante et lente. Une sorte de zombie fusionné avec un oiseau. Truc louche quoi….
L’Ami me dit qu’il ne pourra pas avancer plus vite que ça, soit l’équivalent d’une personne tellement lente qu’elle avancerait moins vite que l’espace temps dans lequel nous sommes. En d’autres termes, si nous avançons à ce rythme, nous remonterons dans le passé.
« Ouah, c’est de la pure science fiction! »
Non, de la pure exagération.
Le rythme moins douloureux de mon ami est trop lent et va devenir trop douloureux pour moi.
Il m’assure qu’il va bien, à condition de descendre lentement.
Je t’assure que je vais m’épuiser à descendre comme ça!
On décide donc de descendre chacun à notre rythme.
Je ferai une pause et l’attendrai plus bas.
« Lâche! »
Go Power Rangers!
De la descente rocheuse, des chaînes en fer pour descendre à droite à gauche.
Au bout de quelques minutes je ne vois déjà plus mon binôme. On s’y attendait.
Je descends quelques dizaines de mètres, je regarde autour de moi, une vallée rocheuse, minérale, entre le gris foncé et le marron clair.
Ça fait presque peur.
Aussi loin que mon regard d’humain moyen me permet de voir, je vois comme des gros graviers.
Derrière moi, la montagne et d’immenses blocs de pierre. Mais genre des astéroïdes! Le ciel est blanc gris, encore plus menaçant. On dirait que ça me suit.
J’ai l’impression que tout le genre humain a déserté le GR20.
Je me parle à voix haute et je me dis: » C’est pas le cirque de la solitude, mais je me sens vraiment seul.«
Mis à part quelques Orques et Huruk-Hai qui doivent se balader ici, j’ai le sentiment d’être en solitaire sur le parcours. Vraiment solo, comme Bruno.
Je vous comprends Frodon et Sam dans le Mordor, j’ai moi-même peur de ne pas revoir la Comté avant longtemps.
Va savoir pourquoi, mais je commence à courir.
Plus la pente est raide, plus je suis à l’aise.
Comme un husky dans la neige, mes pas semblent légers, je dévale presque élégamment cette piste noire, de pierres, à la manière d’un bon skieur.
Ouah, qu’est-ce-que je fais?! Mes jambes commencent à drifter sur les gravats.
Merde, je ski!
Je croise deux gens qui montent. Il me regarde louchement (Mot inventé).
Quoi? Y’a quoi? Je m’arrête et je les gifles l’un après l’autre.
Dans le monde réel, je leur fait un signe de tête et continue ma déscension (Encore inventé). Ils doivent se demander ce qu’il y a là-haut de si effrayant pour que je descende si prestement.
Rien, je suis propulsé par ma motivation.
Le Moine et le Kid devaient avoir 1 heure ou plus d’avance sur nous.
Je mets tellement la bourre que je me demande si je ne vais pas leur passer par-dessus, comme dans 2 Fast 2 Furious.
Je transpire de la Nitro.
J’avale de la pente comme une actrice de films de c…
« Non, stp, ne fais pas ça… »
J’avale de la pente comme une actrice de films de Clint Eastwood ingurgiterait de beaux dialogues.
« C’est mieux. »
La partie « graviers » se termine. Je me retourne, il y a presque une traînée de poussière retraçant mon chemin depuis le haut de la montagne.
J’ai dépassé un bon nombre de randonneurs. Qu’on me couvre d’or!
J’attaque une partie technique où je désescalade des rochers, des murs, avec des chaînes, parfois pas de chaînes, cool chaînes.
Je m’aperçois qu’il y a un petit plateau sur la gauche.
« Genre un plateau de fruits de mer? »
Non un plateau, un relief revêtu d’une herbe presque verte.
D’ici je peux voir la vallée qui descend, un ruisseau et… Le Moine et le Kid, là, en bas, à quelques centaines de mètres.
Je pense assez fièrement avoir pété un score sur ce super-G de gravats. Je regarde le panneau d’affichage sûr de moi.
La médaille d’or est à ma portée.
Je pourrai siffler et appeler les copains. Mais non.
Je regarde encore derrière moi. Je ne vois plus le haut de ce que je viens de dévaler. Un grand et gros nuage épais ressemblant à une Barbe-à-papa blanche semble tomber du ciel pour se poser grassement sur la terre rocheuse du sentier.
Au loin, je vois qu’il glisse délicatement dans la vallée.
Si j’étais parano je pourrai croire que c’est une sorte de fumée pas cool à la Lost.
Non, c’est juste un nuage. Cool ou pas, je ne sais pas.
Je vais attendre l’Ami sur ce plateau. Le temps passe et mon corps se refroidit aussi vite que ton beau père, quand tu fais une blague graveleuse sur sa fille.
Après une vingtaine de minutes, j’ai faim d’une pizza, soif d’un Liptonic.
J’ai des nouilles sèches et des clopes. Je te laisse deviner ce que j’ai choisi.
« Gros con. »
Oui.
Je m’ennuie.
C’est beau la nature hein, mais je m’ennuie un peu.
Derrière, pas d’Ami à l’horizon, toujours ce gros nuage terrifiant arrivant comme le néant de L’histoire sans fin.
« Tu penses que Falcor est dans les parages? »
Devant, toujours une très belle vue.
J’ai mon téléphone, je me mets un épisode d’une série.
« Geek! »
45 minutes plus tard…
Les gens qui passent devant moi me regardent comme si j’étais un type étrange en train de regarder une série sur mon téléphone, allongé sur de l’herbe, en short, perdu dans la nature…
Là, un type en débardeur courant encore plus vite que la majorité de la planète, mais une fusée le type! Il a un peu la tête de Jackie Chan avec une coupe en brosse de Dolph Lundgren. Il s’arrête à mon niveau, me regarde, et me dit:
« Vous avez une barbe. »
Non? Oh putain! Effectivement! Je touche mon visage et sens une barbe d’une année! Mais que m’arrive-t-il? Mais bien sûr que je sais que j’ai une barbe!
« Vous avez une barbe.
-Oui.
-Vous avez la trentaine.
-Oui. » (Merde, c’est un type chelou qui sort en courant de la fumée maléfique…)
Je m’attendais presque à ce qu’il me dise: « J’ai trouvé, c’est Alex! » Heureux de gagner une partie du jeu « Qui-est-ce? ».
En parlant de ce jeu, tu te souviens de la tête de Bill? Ils l’avaient pas gâté le pauvre gars. Un oeuf rose à la Conehead en guise de crâne, un visage tout gonflé, un bas de bouc sans moustache immonde, et dégarni, genre une couronne insultante. Il semblait jeune et gentil en plus. Un hobbit victime. Les salauds!
Bref, Jackie Chan Lundgren me dit que j’ai une barbe et la trentaine. Il se présente, je ne me souviens plus de son prénom, mais c’était un truc comme Valradin… C’est sans importance.
Il me dit que je dois être l’ami du jeune qui a la trentaine, les cheveux décolorés et qui descend en marche arrière… Je ne comprends pas tout mais je comprends qu’il parle de l’Ami.
« Oui, c’est moi, lui (Bob) réponds-je.
-Vous ne devez pas l’attendre. Il va bien, mais il descend tout à reculons. Il me dit de vous dire que vous devez avancer car il sera trop long.
-Genre?
-Genre plus d’une heure, ma couille. »
Et il part en courant aussi vite que des jambes d’homme bionique le permettraient.
J’apprendrai que c’est un trailer de l’extrême. En courant, il a fait l’aller-retour sur l’étape dans la journée. Ouch, costaud ce type!
Deux heures d’attente, je serai transformé en marcheur blanc avant. Non, je ne veux pas!
Je reprends ma marche/course.
Je passe dans la forêt et je longe un ruisseau pendant un moment en dépassant quelques gens qui m’avaient dépassé. Oh!
J’arrive au refuge d’Asco.
Je retrouve le Kid, bien, serein, comme d’hab, le Moine installe sa tente. Cet avant-dernier nous a pris un lit dans une chambre à 4.
On se pose dans notre chambre.
De la fenêtre, je vois la fin du sentier par lequel je suis arrivé. Pas d’Ami à l’horizon. Pourtant, tout les gens que j’ai dépassé au fil de la journée arrivent au compte-gouttes.
Il n’y a plus personne qui arrive en fait.
Chiottes.
Merde, j’ai des remords. L’ai-je abandonné? Aurais-je du l’attendre?
Un militaire survivant m’a dit un jour: « En tant de guerre, sauve ta peau dans un premier temps et sauve celles des autres quand t’es sauvé. Si tu ne te sauves pas d’abord, tu ne sauveras personne.
« On n’est pas en temps de guerre! »
Quoiqu’il en soit, je suis sauvé. Je dois.
Ça fait une heure qu’on est arrivé, la nuit va tomber, et si… Et s’il lui était arrivé quelque chose? Et si…
« Ne dis jamais ça! Jamais ça! Les Goonies ne meurent jamais!
Je me dois d’y aller.
En étant sérieux, je suis très inquiet.
L’Ami n’a pas de lampe, il est seul, il a mal.
J’y retourne sinon je ne suis pas un ami, nom d’un lâche!
Je préviens le Kid, j’y vais, si je ne suis pas revenu dans 2 heures, qu’il prévienne les secours, en vrai!
Je prends de l’eau, une lampe, mon épée et je pars.
« Une épée? »
Les orques mon potes!
Je n’ai pas envie de monter ce que j’ai descendu, mais j’ai encore moins envie de laisser mon Ami dans une mauvaise situation.
Sans sac, c’est quand même plus simple.
« Logique Einstein. »
Je marche (Seul, tininininin! Jean-Jacques Goldman) dans la forêt.
Dégun! Dégun, fatche de con!
Je ne croise personne pendant une demi-heure, sauf des arbres de la brume et des rochers. Je n’entends rien sauf les bruits de la nature, eau, vent, craquements.
La nuit est en train de tomber tout doucement, tendrement, l’air de rien, comme si elle souhaitait nous prendre discrètement, sans qu’on s’en rende compte de rien.
J’aimerai trouver mon Ami avant la nuit noire.
J’entends un souffle, des bruits de pas lents. Qu’est-ce?!
Je vois un couple de personnes âgées surgir derrière un tronc en riant, en hurlant, les yeux avides de violence! Non, en vrai, c’est un couple tout ce qu’il y a de plus normal qui termine peinardement leur étape, et derrière eux…!!!
Je vois un type, avec des jambes rongées par la douleur et la descente. Sa mine est dévorée par la lutte, son combat contre son propre corps. Il est debout à la force de sa volonté!
Finish him!
Merde, un walker! Barrez-vous mes petits vieux! Je vais vous sauver! Je les bouscule en courant, saute dans les airs et balance mon bâton de rando de toutes mes forces dans la sale gueule de raclure de zombie de cette ignominie, en criant vulgairement et je m’en excuse: »Tiens, prends ça, espèce de voyou! »
Je le savate à terre.
Mais non! C’est mon Ami. Il est là!
Nous nous regardons, marchons l’un vers l’autre. Il n’y a pas de musique tendre, mais une douceur palpable, comme des retrouvailles après des années d’absence ou après un événement marquant. Il est là vivant, mal en point, mais là et vivant!
« Ouf! » Tout le monde crie en cœur.
On se prend dans les bras et dans son câlin, je ressens la souffrance qu’il a enduré. Aïe, ça fait très mal, il a vraiment dégusté.
Je prends son sac, je suis physiquement mieux que lui, mes genoux sont cools. Il me fait part de son enfer. Un enfer.
Après une demi-heure, nous arrivons à notre chambre! C’est la fin de son calvaire. Il a du mal à marcher, ses genoux le lance (Lot), nous allons manger.
J’achète une boite de pâté à 1€ que je mélange avec mes nouilles. Succulement dégueulasse.
L’Ami mangeant un couscous nous annonce:
« J’arrête ce soir les gars. Je ne peux plus, ce n’est pas que je ne veux plus, je ne peux plus. »
Je m’en doutais, mais là c’est concret!
Ça fait vraiment chier, mais vraiment, vraiment chier.
C’est un peu comme si tu savais la mort inéluctable d’un de tes personnages préférés de ta série favorite, que tu l’attendais, la redoutais, avec un soupçon d’espoir malgré tout et qu’elle arrivait. T’es amer, dégoûté.
Et bah moi, je suis pareil. Comment te dire? Je dois juste accepter cette fatalité.
Ok.
Purée, quelle journée! Quelle fin de journée!
Tout le monde se couche, le Kid, l’Ami et moi dans une chambre, le Moine dans sa tente, ce courage incarné.
Je termine de regarder ma série ce soir et je me couche tard, habituel con que je suis.
Je me dis que demain, non d’un zboub, c’est le dernier jour de notre GR20 et qu’on doit faire 3 étapes.
3 étapes! Dur.
Debout, à genoux, allongé, sur les mains, avec les ongles, je le terminerai, je te jure que je vais le finir!
Rideaux qui descendent, applaudissements.
Les gens essuient leurs larmes, tristes que l’Ami ait été genouné. (Vaincu par ses genoux.)
Je me prépare à la scène de demain, le final.
« It’s the final countdow, tinininin, tininininin! (Europe)
J’ai la même motivation qu’eux.
Je suis eux!
Sans la coupe mulet de l’espace.
La nuit porte conseil. Peut-être que l’Ami aura changé d’avis…
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Je l’espère de tout cœur!
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