The Fast and the Furious en Asie, les sensations et moi.

Si tu es avide de sensations fortes, que la chute libre, le saut à l’élastique, ne te font plus d’effet, garde ta Smartbox adrénaline, ne dépense pas d’argent dans un parc d’attraction, file direct en Asie.

« Ca coûte plus cher d’aller là-bas. » Me diras-tu.

« Oui, mais je cherchais comment attirer ton attention. » Te répondrai-je.

J’ai 2 circuits à te proposer : à Hanoi, le « Accroche toi si tu veux vivre », et à Kuala Lumpur,  le « Je t’en conjure, je suis encore jeune. »

Tu te doutes que ce ne sont pas des manèges.  Bien joué Einstein ! Qu’est ce ? Des trajets avec différents moyens de transport que j’ai effectué et que je te recommande si tu veux te muscler les abdos et le fessier en un temps record, tellement tu serres fort les miches, et ce sans passer par de de longs cours de musculation onéreux.

A Hanoi :

« Au Vietnam ?

-Oui, bien joué mais évite de me couper la parole quand je parle. »

Je te remets dans le contexte : Je dois prendre un bus de nuit en direction de Ho Chi Min. Départ prévu, 18h. Je dois arriver 1h en avance. Le propriétaire de la guest house dans laquelle je logeais m’a demandé de l’attendre en m’expliquant qu’il se chargeait lui-même de m’emmener au point de rendez-vous.

Problème : Il n’est pas là alors que je devrais déjà être au bus.

Il arrive quand même.

Problème : « Pourquoi t’es venu en Pocket Bike ??? On dirait qu’il a choisi le plus petit scooter possible ! On est 2, j’ai un bon sac de voyage dans le dos, et un sac à dos que je porte à l’avant, et la selle, putain, on dirait un tabouret ! Il m’explique que si le 2 roues est petit, il n’en est pas moins puissant et rapide. Ainsi, on va pouvoir se faufiler très vite entre les obstacles, voitures, humains, etc…

« Rossi, y’a pas de poignée pour me tenir ! » Lui dis-je.

Qu’est-ce que tu crois, il ne m’écoute déjà plus ! Il est au taquet sur la poignée. Et moi ? Moi je suis au taquet accroché au cuir du siège pendant que mon lourd sac à dos essaye de me faire basculer en arrière.

Il a de la nitro sur son scooter ou quoi ? J’en sais rien, mais ce que je sais c’est qu’on va remonter le temps à cette allure !

Premier carrefour passé. On n’a percuté personne, ou alors on va trop vite et on a vaporisé quelqu’un sans que je m’en rende compte.

Premier feu grillé. J’ai la bouche super sèche à 40% à cause du stress, à 50% à cause de la vitesse. Et les 10% restants ? Ah, ça c’est comme ça, parce que j’ai soif.

5 minutes de trajet, les articulations de mes mains sont blanches tellement je m’accroche au siège.

Il y a de la circulation. Pas mal de circulation. Tu penses que c’est un problème pour lui ? Il slalome entre les voitures, les autres 2 roues, les gens, les chiens, les bus, les avions. J’ai l’impression d’avoir 2 yeux de verre tellement ils sont secs.

Malgré un trop plein d’air entrant dans ma bouche, je parviens à en faire sortir pour lui dire :

« Eh mon pote, t’inquiètes pas, je l’aurai le bus ! »

Il ne me répond pas, il ne m’entend plus. A ce moment précis, le but ultime de sa vie, c’est de m’amener à bon port, le plus rapidement possible. La devise de sa guest house, c’est : « Nous tenons toujours nos promesses. » Il m’a fait la promesse que j’aurai mon bus.

Il multiplie les manœuvres dangereuses mais maitrisées… Tu le penses vraiment ?

 Il sort presque le genou dans les virages. En parlant de genoux, et les miens ? Il a du oublié que j’en avais, moi pas. Je suis en permanence obligé de les ranger, pour ne pas me prendre un rétro, un poteau, une voiture. Mais il faut aussi que je fasse attention aux autres, parce qu’à cette vitesse, le coup de genou à la Ong Bak, puissance 10, que j’infligerai à un passant serait super douloureux.

A un moment, le trafic s’intensifie à tel point qu’on ne peut pas passer ni entre les voitures, ni au dessus, ni sur le trottoir, quoique je me suis dis à un moment qu’il allait prendre un tremplin ou un truc dans le genre.

Pourquoi tu ne ralentis pas pilote ? Tu vas piler au dernier moment mon pote ? Je me prépare à lui planter mes dents dans le crane, où c’est dégarni.

Il met un soudain coup de volant à gauche. Et passe sur la file ou la circulation est en sens inverse.

En face de nous, un bus.

« Eh mec, je te crois que t’as des couilles, je te jure que je te crois ! » Lui dis-je dans ma tête.

Il ne m’écoute pas.

Il ne va pas le faire à la dégonfle ? Parce que je pense qu’à ce jeu, on va finir tranquilles, comme des moustiques sur le pare-brise du bus.

Comme dirait Martin Laurence, je suis sûr d’avoir marqué le cuir tellement j’ai contracté les fesses.

Le bus ne s’écarte pas, nous oui. Un coup de volant à gauche nous place face à une voiture, coup de volant à droite. Sans exagérer, on ne va vraiment pas lentement et on est à contre sens. Il zigzague sans pression. Moi j’en ai assez pour 10.

Je me sens comme le maître des clés derrière Trinity dans Matrix 2, que je n’ai pas aimé au passage. Sauf que mon chauffeur n’a pas de combine en cuir et qu’il ne maitrise pas son engin comme elle.  Quoique…

20 minutes de terreur, 12G encaissés plus tard, j’arrive à destination.

Mon pote est content de lui, il rie, je descends presque en titubant, étourdi, la bouche plus sèche qu’un jour de gueule de bois.

Merci, ma poule, mieux que le Goutdurix à Astérix et beaucoup plus long. Un brin plus dangereux. Vraiment pas grand-chose.

Je lui dis de faire attention à lui, l’embrasse sur la bouche et le quitte.

Le bus aura du retard, je l’attendrai une heure, vidé par cette montée d’adrénaline comme après un décollage de fusée.

« T’as déjà fait de la fusée ? »

Le deuxième voyage qui m’a marqué, vous voulez que je vous en parle ?

« Oui !!! » répondent-ils en chœur.

Très bien. J’étais à Kuala Lumpur en Malaisie, mais je te soupçonne d’être doué en Géographie donc je n’avais pas à le préciser. Je devais prendre un porte containeurs à Port Kelang qui me ramènerait en France après un mois de mer environ. Bogosse.

Le type chez qui je loge m’explique que le port est à une heure de route environ et que, comme je dois être à 9h du mat’ au port, que les embouteillages sont violents dans cette région, je dois prévoir très large. Partir avec 3 heures d’avance lui semble judicieux. Ok, ma poule, c’est toi l’expert.

Je réserve donc un taxi pour 6h du matin.

« Monsieur a les moyens. »

-Non, monsieur sait que les taxis ne sont pas très chers. »

Me voilà à attendre mon chauffeur dans l’aube chaude de Kuala Lumpur. Il est en retard d’une demi-heure. J’espère que ca ne va pas être trop juste, parce que le navire ne m’attendra pas, à 60000€ l’amarrage dans le port…

Ne t’inquiètes pas coco, tu ne connais pas encore celui qui conduit.

Il arrive, je lui indique ma destination.

« C’est où ? » Me demande t-il.

« Euh… J’espérais que tu me le dises… »

Il fouille sur son téléphone et trouve. Il me dit également que c’est compliqué car il risque d’y avoir de sacrés embouteillages.

Merde.

Il me dit qu’on va essayer de faire vite, pour devancer la congestion routière.

Ca me va. Vite qu’il avait dit, pas qu’il prendrait une distorsion temporelle, pour gagner du temps.

Avec 2h30 d’avance, je m’installe confortablement sur la banquette arrière.

Il met le contact. Je me demande si je ne vais pas terminer ma nuit dans le taxi. Il appuie sur l’accélérateur et l’embrayage en même temps, les deux pieds au plancher. Le moteur hurle, il relâche d’un coup l’embrayage. Les roues patinent un peu, et la voiture est propulsée comme au départ de « Space Moutain ». Je ne vais pas dormir.

Avec la même puissance qu’un double coup de pompes dans le torse, je suis éjecté dans le fond de la banquette. En fait, je suis carrément incrusté, comme le logo dans le siège.

Je vais mettre ma ceinture. Tu sais quoi ? Je vais même m’attacher les mains avec l’autre ceinture.

Nous voilà partis, en pleine bourre, dans les avenues de Kuala Lumpur. La rime n’était pas volontaire. Il remonte les rues tellement vite que nous voilà indétectables aux radars.

J’entends juste le  bruit d’autres engins comme quand t’es assis près de l’autoroute.

« T’es souvent assis près de l’autoroute ?

-Non. »

Je vois les phares défiler dans le sens inverse au notre. Je vois aussi les feux arrière des voitures qu’on dépasse. Et tu veux que je te dise ? On les dépasse toutes. Très vite.

On doit être à plus d’une centaine de kilomètres à l’heure en pleine ville. Il me dit qu’on va bientôt emprunter une voie rapide, et qu’on va enfin pouvoir accélérer. Je me demande ce qu’il entend par là.

On emboite sur cette fameuse voie rapide comme Nigel Mansel sortirait des stands. On s’insère devant un autre concurrent, en le touchant presque.

« Ouh, c’était juste. » Lui dis-je en souriant à moitié gêné, à moitié apeuré.

Il a enfilé un casque, une combine et des gants. Il rétrograde, pour accélérer plus fort, le moteur monte dans les tours.

« Je suis formel, monsieur, l’aiguille du compte tours ne peut pas aller plus loin. »

Je suis de nouveau poussé en arrière, tellement fort que je regarde autour de moi. Putain le con, je suis dans le coffre.

En vrai, je suis sur la banquette, focalisé sur la route.

« A 200 mètres, droite léger, suivi d’une chicane, gauche droite, puis droite 90°. » Je lui explique en regardant la feuille de route de notre course que je prépare depuis des semaines. C’est notre course, elle est pour nous celle-ci !

Mais non ce n’est pas vrai non plus! Par contre, lui slalome à plus de 150 Km/heure et moi je lui dis :

« Faut être prudent quand même, je pense qu’on sera à l’heure, non ? »

Comme s’il allait me répondre :

« Oui, c’est vrai tu as raison, je vais lever le pied. »

Non, il est concentré  sur la route comme le serait un démineur sur un engin explosif et me répond, d’une voix profonde et d’un ton sérieux :

« Je connais cet endroit par cœur. »

Oui peut-être, mais tu ne connais pas la vie par cœur. Tu ne sais pas si quelqu’un va déboiter de nulle part.

Ca doit l’énerver puisqu’il accélère de plus belle et double les voitures par la droite, par la gauche. Je saigne presque du nez tellement on va vite.

Les imperfections de la route à cette vitesse, plus la rigidité des amortisseurs, transforment les chocs que nous subissons, en véritables coups violents dans mon cul. Oublie la phrase précédente ou ne la sort pas du contexte s’il te plait.

A un moment, on prend une bosse, si rapidement qu’on décolle. Nous ne retoucherons le sol qu’une demi-heure plus tard. Nous espérons que vous avez passé un agréable vol, et vous revoir bientôt.

Le pire c’est qu’en vrai, on a fait un saut, on a même eu un trou d’air !

Pour de vrai on a juste fait un saut ! Mais non ! Pas comme dans les films à San Francisco ! Mais un saut assez violent pour que même le chauffeur ralentisse.

Alors mon pote, on fait moins le malin, hein ?

Le con, à croire qu’il lit dans mes pensées puisqu’il reprend sa folle allure !

Mais pourquoi fait-il ça ? Ca fait longtemps qu’on roule, on a dépassé les embouteillages ! Au pire, j’arriverai à l’heure…

Je crois qu’il aime ça.

Il voit une brèche, il s’y engouffre, comme entre les deux voitures de devant. Il s’insère là où beaucoup n’aurait même pas osé insérer une main.

Il semble tellement sûr de sa conduite que je suis presque persuadé qu’à un moment, il va se retourner vers moi, que je vais découvrir la grosse tête rasée de Vin Diesel, qui sous les traits de Dominic Toretto va me dire avec sa voix rocailleuse:

« L’important c’est la famille. »

Il ne peut en être autrement.

Bah si, et après 42 minutes au lieu d’une heure, j’arrive au port, essoufflé, avec la coupe de cheveux de Sonic, alors que j’étais à l’intérieur de la voiture, les fenêtres fermées.

Oui, avec les fenêtres ouvertes, c’est sûr que je me serais fait happer à l’extérieur…

Il me dit.

« Ca roulait bien, non ? »

Bah tu m’étonnes, je suis arrivé 5 jours en avance, tellement ta faille spatiotemporelle était efficace.

Je fonds en larmes, il me prend dans ses bras.

« Chut, c’est fini. » Me dit-il tendrement.

Je me désincruste du siège, fier de laisser ma silhouette dans cet héroïque bolide.

« C’était quoi comme voiture au fait ? »

C’était une berline Toyota.

Cela ne remet pas en cause la véracité de mon récit hein ?

Si t’es doué en calcul, tu sais que j’ai presque 2h d’avance. Pile poil, le temps nécessaire pour réhabituer mon corps à une vitesse de déplacement plus normale.

Après tout ça, quand t’iras dans un parc d’attractions, t’hésiteras à demander à faire les manèges sans ceintures de sécurité, pour goûter à nouveau à cette sensation qu’est le transport dans certains endroits d’Asie.

Mais bien sûr que non, purée! Apprends à reconnaitre l’ironie.

Y.

 

 

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